"Ici, on noie les Algériens" : 62 ans après, le devoir de mémoire du massacre de manifestants algériens le 17 octobre 1961 par la police française à Paris

Par ce que le devoir de mémoire en va de la responsabilité de chacun. Par ce que oublier c'est cautionner. Cautionner un massacre délibéré d'innocents. Prions pour tous les peuples opprimés.

Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers de travailleurs algériens ont été sauvagement assassinés par la police française non loin des bords du Quai de Seine, à Paris. Pendant longtemps, la mémoire de ce massacre fut occultée de la mémoire collective et leurs responsables impunis.

Peu de temps après le drame, des témoins dénoncent les faits en l'inscrivant sur la pierre : "Ici, on noie les algériens". Immortalisée par la photographie, l'inscription sera rapidement effacée mais deviendra par la suite l'unique illustration de ce triste fait historique. 

A 5 mois seulement de la fin de la guerre d'Algérie, Paris a été le théâtre d'un rassemblement pacifique qui s'est transformé en un véritable bain de sang. Alors que le FLN (Front de libération nationale) appelle les Algériens à boycotter le couvre-feu imposé depuis le 5 octobre par les autorités françaises aux "musulmans d’Algérie", une manifestation est organisée à Paris.

Quelques 10 000  citoyens algériens étaient alors réunis pour protester contre cette décision ne visant que les "Français musulmans" par le préfet de police de la Seine Maurice Papon (condamné plus tard pour complicité de crime contre l'humanité pendant l'Occupation), sous les ordres du Premier Ministre Michel Debré.

Cette nuit-là, la réponse policière fut terrible responsable du violent lynchage de 150 à 200 algériens battus à coups de matraques, tués par balles, ou encore morts noyés pour certains après avoir été jetés à la Seine. Certains corps, quelques-uns ligotés, ont été retrouvés dans la Seine assurent les historiens.

"Ils frappaient sans arrêt et on était obligé de marcher sur les plus faibles qui étaient tombés au sol pour continuer d’avancer", expliquait en 1991, un survivant de ce terrible massacre dans un reportage diffusé sur France 2.

Pendant plus de 20 ans, tant les médias que les politiciens ont passés ce drame sous silence obéissant à l'omerta. Ce n'est qu'en 1998 que l'évènement est porté à la lumière par l'historien Jean-Luc Enaudi, le qualifiant de "massacre". La justice lui a donné raison par la suite. Il aura fallu attendre 1991 pour que la Ville de Paris reconnaisse ce drame.

Plus tard, une stèle en mémoire aux victimes remplacera la plaque de bronze du Pont Saint-Michel. En 2012, le François Hollande et le Parlement ont également reconnu officiellement cet évènement. Son successeur, Emmanuel Macron avait quant à lui admis en 2021 la qualification de "crime" reconnaissant en partie la responsabilité de la France.

Pas assez pour le politologue Olivier Le Cour Grandmaison directeur de l'ouvrage collectif "17 octobre 1961- un crime d'Etat à Paris" invité de France Info, estimant que Macron "a fait un petit pas pour éviter d'en faire un plus grand" et insistant sur le fait que cette manifestation pacifique faisait suite à un couvre-feu raciste avec l'aval de Maurice Papon et ses supérieurs.  

62 ans après le massacre, bon nombre de productions culturelles ou cinématographiques ont été inspirés par cette nuit d'horreur. Avec notamment le film "Ici on noie les Algériens - 17 octobre 1961" réalisé par Yasmina Adi, qui retrace les circonstances des faits.

Originaire de Grenoble, née de parents algériens, Yasmina Adi a réalisé son premier film deux ans plus tôt intitulé "L'autre 8 mai 1945 - Aux origines de la guerre d'Algérie", récompensé du Prix des Étoiles de la Scam 2009.

Dans "Ici on noie les algériens" la réalisatrice présente notamment des témoignages de policiers, de chauffeurs de bus réquisitionnés, de femmes dont les maris ont participé à cette manifestation du 17 octobre 1961. Sorti en 2011, le film a reçu des prix dans de nombreux festivals internationaux (Francfort, Beyrouth, Rome, New-York, Ramallah, etc.)

Côté littérature, il y a le livre "La Triple Occultation d'un massacre" écrit par l'historien Gilles Manceron, co-responsable du groupe de travail "Mémoire, histoire, archives" de la Ligue des droits de l’Homme, auteur notamment de "La guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire ; Droits de l'Homme." écrit en 1993. Ou encore, "Le 17 octobre des Algériens" de Maurice et Paulette Péju aux Editions de La Découverte.

Ne pas oublier empêche que l'Histoire ne se répète. Commémorer pour rendre hommage à tous ces innocents et leurs familles endeuillées. Commémorer pour ne laisser à aucun être humain le privilège de jouir de l'impunité de ses actes et que Justice soit faite ici-bas et dans l'au delà.

Par Al Djâwab 

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